Récits de course

NORMANDICAT 400 – L’exploration vélocipédique du patrimoine normand !

La question ne s’est même pas posée, j’y retourne! Où? A la NORMANDICAT, une course vélo hors norme organisée par Xavier. C’est l’aventure au sens large du terme. Un départ et une arrivée en commun, des checkpoints à valider un peu partout en Normandie et pour le reste c’est chacun son style. Du cyclotourisme à la performance, tout le monde y trouve sa place et, dans le fond, c’est quand même une performance pour chacun. Je retiens le dépassement de soi à travers cette épreuve qui rassemble indéniablement la résistance physique et la capacité mentale. Dans beaucoup de mes récits, vous pouvez noter l’importance que je porte à la tête car, quand je regarde un sportif en action, je pense en premier lieu à ce qui se passe dans sa tête. C’est de là que tout part et, à mon sens, on néglige trop ce paramètre. Dans la reconversion professionnelle que j’ai entamée il y a deux ans, je ressens de plus en plus l’envie de me former pour pouvoir aider ceux et celles qui le souhaitent dans cette facette inexploitée de l’entrainement.

La Normandicat commence bien en amont du départ réel car il faut tracer son itinéraire et repérer les points à rallier pour être « finisher ». C’est sur Strava que je fais mon itinéraire pour ensuite l’incorporer dans mon Garmin 820, celui-ci me sert de GPS. J’ai choisi une trace avec un dénivelé important pour préparer la Maxi-race. C’est important pour moi de ne pas perdre de vue mon objectif principal qui a lieu fin mai. On ne peut pas jouer sur tous les tableaux mais mon tempérament de compétiteur fera le reste sur le terrain. Plus qu’un handicap, c’est un défi personnel.

Une composante est également importante sur ce genre de distance: le vent est un paramètre non négligeable.Il faut être malin!  Il faut apprendre à jouer avec, faire des paris et savoir se le mettre dans les dos! Pour ça, j’utilise le site WINDFINDER. et je prévois mon sens de rotation en fonction de ses caprices.

Revenons sur la selle! A la Normandicat, je me suis positionné sur le 400 km, car il y a également un format de 200 et de 900 km! J’ai choisi d’intégrer la Normandicat dans ma préparation pour la Maxi-race, mais pas du tout sur les mêmes bases que l’an dernier. Cette année je cumule 1000 km de vélo alors que j’en avais 5000 l’an passé à la même époque. Peu importe, il faut savoir mettre son corps en porte-à-faux pour progresser.

Côté matériel, cette année, j’ai un TREK EMONDA SLR 8, une merveille prêtée par les Cycles Georget de Louviers, merci Thomas pour ta confiance! Sur le vélo, j’ai ajouté une saccoche au niveau du cadre et une petite pour l’alimentation au devant de guidon. Rien de plus, je dois rester léger pour être performant. Niveau habillement, je suis sur un cuissard SPROTFUL adapté au longue balade! Pour le haut, une première couche XBIONIC et un maillot de vélo, en cas de pluie j’ai deux membranes dont une BITWIN achetée au dernier moment car je n’avais pas d’équipement spécifique de cycliste pour la pluie. Et oui, je suis un coureur! Je suis très satisfait de la membrane BTWIN, bonne coupe, étanche, légère et belle! Niveau chaussures, je pense que je n’arriverai plus jamais à me séparer de mes MAVIC COMETE ULTIMATE, c’est le graal de la chaussure de vélo avec sa coque carbone, du grand confort en toute légèreté que j’ai pu éprouver 61 heures de suite sur mon Tour de Normandie.

Vendredi 11 à 18h00, j’arrive à la salle des fêtes de Saint Vigor le Grand, une commune de l’agglomération de Bayeux. J’aperçois Cédric, un Rouennais fidèle lui aussi de l’épreuve. Le départ sera donné à 20H00, je n’ai donc que très peu de temps pour tout mettre en ligne. Le vélo, ce n’est pas comme le trail, il y a plus de préparation, un peu de mécanique, il faut donc être plus minutieux dans la préparation du matériel. Je sais que je ne vais quasiment pas descendre de mon vélo dans les 17 prochaines heures, alors il faut être bien dessus et que chaque chose soit à sa place pour poser le moins possible le pied à terre.

19H30, tout est prêt je mange une banane, je déguste un Energy Diet en me projetant dans la nuit que je vais passer. Je respire en conscience et je visualise déjà le premier checkpoint de Clécy. Toutes les deux semaines, je suis sur une épreuve depuis 2 mois et cela me permet de répéter ma routine et de la maitriser.

Je vais vous partager mon récit en fonction des mes checkpoints. Pour ma part, j’ai choisi de faire en premier Clécy, pour aller plein ouest ensuite sur Granville, ensuite plein nord sur la Hague pour finir en direction de Bayeux à l’est!

20H00, le départ est donné, chacun part de son coté car nous n’avons pas tous tracé le même itinéraire. C’est excitant! À la sortie de Bayeux nous sommes trois en quelques mètres, pas de drafting donc nous roulons les uns à côté des autres. Quelques kilomètres après le départ, un tracteur nous double! L’aubaine, 45 km/h sur trois kilomètres a l’abris derrière ce gros bébé! J’en profite car je sais que les bosses seront moins tendre dans quelques kilomètres… Quand j’arrive à Aunay sur Odon, je sais que la Suisse Normande approche, j’apprécie énormément ces paysages et je préfère la difficulté à un paysage moins attrayant. C’est aussi une histoire de coeur, l’ultra-endurance. Les gouttes s’invitent. Au delà d’être mouillé – ce qui n’est pas le plus dérengeant pour moi-,  c’est surtout le pilotage qu’il faut adapter. Ce qu’on appelle le verglas d’été en vélo est traitre. Vous savez ces plaques de bitume fondue juste humide, c’est très glissant alors pas de freinage ni d’angles trop importants dessus. Cela me demande une grande prudence. Il ne faut pas voir cela comme une contrainte, simplement comme un défi supplémentaire que la nature nous propose. Je m’imagine son message « sauras-tu garder ton calme? ». Je lui réponds secrètement que je suis plus fort que ça et que rien ni personne ne me fera abandonner. Je suis maître de la situation et je vis les situations comme des mises à l’épreuve. Une fois la bosse principale de Clécy franchie, je file tout droit vers l’Orne et sa piste cyclable toute neuve! Une fois sur les traces de l’ancien chemin de fer, je file en direction du bourg de Clécy. Première erreur de trace, je monte au village alors que j’étais à quelques mètre du point numéro 1. Il est 22H00 et je prends la photo pour valider mon passage. Je ne suis pas seul, je vois les lumières d’autres cyclistes! Cela renforce le sentiment de compétition.

22H05, une minute se passe et je suis déjà en selle en direction de Granville, certainement 70 km me séparent du deuxième point. Je commence alors à fractionner le parcours dans ma tête. Le travail de visualisation commence. Je me projette et j’anticipe. Où vais-je trouver à boire? Comment sera le vent? Je calme mon esprit et j’apporte une réponse à chaque questionnement. La respiration m’aide énormément à canaliser mon énergie. Il faut sortir de Clécy. Pour ça, j’emprunte la petite route à 15% en direction de la route de Pont-d’Ouilly, je sais qu’ensuite le bitume est bon et que je pourrai avoir de l’inertie. Je passe Condé-sur-Noireau et je m’engage sur une ligne droite d’environ 60 kilomètres en direct de Granville. Il y a bien-sûr des villages à traverser mais je reste sur la même route. Le passage dans Vire se fait sur les coups de 23H30, les passants me regardent avec un air surpris. J’ai toujours un peu peur des réactions d’un éméché à la sotie d’un bar car je suis très vulnérable les pieds attachés à mon vélo. Je fais un léger crochet au cimetière pour remplir mes bidons et c’est reparti. À la sortie de Vire, je décide de faire mon premier stop pipi. Une seconde après m’être arrêté, je me fais doubler! Je ne suis pas seul! Je sais qu’une longue bataille psychologique va s’entamer vers Granville avec ce participant. Il prend quelques mètres d’avance et je vois que je le rattrape dans les bosses, je passe devant, nous échangeons quelques mots et je me mets devant. Je le lâche dans les bosses et il revient dans les descentes et les plats. Nous jouerons au yoyo comme ça jusqu’à Granville. De son côté, le vent est calme et ce n’est pas pour me déplaire. En entrant dans Granville, je scrute les drapeaux et je m’aperçois que mon pari est gagnant! J’aurai le vent dans le dos en direction de la Hague!

01H31, j’arrive au phare de Granville je prends la photo et une fois de plus je pose le pied à terre une minute. Je suis bien mais j’ai froid, je sais qu’il ne faut pas s’arrêter pour ne pas avoir plus froid. Le thermomètre est tombé, il fait 5°C à mon compteur.L’ambiance des bars du vendredi soir me sort du calme pesant sur cette épreuve. Je gobe une nouvelle nutri-bombe et je sors de la cité.

Nous sommes maintenant dans le plus grand tronçon. Je sais que je vais passer 5H00 seul dans la nuit sur mon vélo. Je scrute le ciel à la recherche des étoiles car elles m’indiquent si je risque de prendre des gouttes ou non. Vous me croirez sans doute difficilement mais ça passe vite 5H00 de vélo en pleine nuit! Je vous conseille l’exercice! Plus sérieusement, je sais que je dois regarder dans chaque village si je reconnais les murs d’un cimetière. Après quelques balades, on se rend compte que les cimetières sont presque tous conçus de la même façon!

La Haye du puit, kilomètre 211, je m’arrête à nouveau dans le cimetière de la commune pour remplir mes bidons. Je laisse couler l’eau quelques minutes par précaution et je fais le plein! Je regarde sur la carte et je me rends compte que je suis à mi-chemin et que les bosses du Cotentin arrivent. Ce n’est pas plat le Cotentin!

Les oiseaux commencent à chanter. Comme moi, ils sentent le jour se lever, c’est un moment extrêmement privilégié. Je suis le seul et discret spectateur de ce phénomène qui se répète chaque jour mais que nous n’avons pas la présence d’esprit de le remarquer en temps normal. C’est un des facteurs de l’ultra-endurance, une certaine forme de fatigue qui décuple chaque émotion. Il faut apprécier les meilleurs et calmer les néfastes…

Je suis bien, mes cuisses répondent de mieux en mieux aux sollicitations du terrain, ce n’est pas vraiment compréhensible mais je commence à me connaitre et je sais de quoi mon corps est capable.

J’arrive à la Hague et dans une grande ligne droite, j’aperçois un concurrent devant moi! Il a choisi un autre itinéraire. Il faut dire que je n’ai pas choisi le plus simple mais il a été plus malin que moi. Je décide de ne pas le suivre et de m’engouffrer dans les petites routes symboliques de la pointe du Cotentin. Je suis dans ces petites routes tortueuses pleines de crottes de moutons. L’ambiance est typique, je me crois dans un décor de film irlandais. Je laisse mon esprit vagabonder et je prends du plaisir à piloter mon Trek qui se comporte à merveille dans ces routes techniques.

J’entends la mer! Je cherche du regard le Sémaphore, je n’ai pas regardé la photo de celui-ci sur internet avant mon départ car je souhaitais garder la surprise! Comme un cadeau ou une délivrance, je l’aperçois, seule construction humaine dans ce milieu hostile, je me doute que c’est lui que je suis venu chercher! J’immortalise le moment et je repars.

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Je m’étais mis au défi d’arriver avant le lever du soleil, un défi de plus à moi même, comme une sorte de compétition naturelle entre le soleil et moi. C’est chose faite, la photo en dessous immortalise cette petite victoire personnelle!

06H32, j’entame mon dernier combat! Retour à Bayeux. Je décide de repartir par Jobourg car la route semble meilleure, je me doute que mon rival est devant. Je reste patient car la route est encore longue. En repartant, quelques kilomètre après Jobourg, sur la commune d’Acqueville, je vois un vélo à l’entrée d’une boulangerie. C’est sans doute lui. Je me mets alors dans une guerre psychologique. Un seul mot d’ordre à mon esprit « ne lâche rien! » Chaque mètre sera peut-être décisif.

Le temps file à une vitesse dingue et les kilomètres aussi. Je sais que je vais devoir m’arrêter une derniere fois pour remplir mes bidons et acheter un truc à manger car mes réserves s’amenuisent. En passant à Valognes, je vois une supérette. Il est 8H25 du matin et je débarque comme arrivé de nulle part en posant mon vélo contre la caisse et en demandant gentiment à la caissière de jeter un oeil dessus. Je vois que je soulève la curiosité de l’ensemble du magasin. J’attrappe une bouteille d’eau et un paquet de pâtes d’amandes et je paye. En quelques minutes, l’affaire est conclue.

Je me mets devant une poubelle publique pour éliminer le maximum de déchets, je remplis mes deux bidons, termine le demi litre d’eau restant d’une traite et me remets en selle direction Carentan.

Arrivé à Carentan, je fais face au dilemme des feux rouges! Je fais quoi? Je respecte ou je fais la course? Je décide de privilégier la sécurité, les secondes me semblent longues…

A ma grande surprise, je redouble le conccurent que je pensais derrière moi! Il a vraiment optimisé son parcours car je ne lâche rien au niveau de l’allure! Je le double à la sortie de Carentan et je me pense alors en tête. J’appuie, j’appuie et j’appuie sur les pédales! A aucun moment je relâche. Malheureusement lors de la réalisation de mon tracé sur Strava je n’ai pas vu que beaucoup des soit-disant routes sont des chemins de terre! Je « jardine » un peu du coup et je perds des minutes précieuses! J’en ai marre! Je décide de prendre mon portable et je tape l’adresse de l’arrivé sur Google maps, 32 kilomètres me séparent de la délivrance. Je suis mon GPS de façon bête et discipliné et de toute façon, je ne connais absolument pas le secteur. Alors il n’y a aucune place à l’improvisation!

Je « pioche » comme on dit dans le jargon! Pas de place au repos. Mes cuisses me brûlent, mes mollets se tendent et mon esprit aime ça! J’aime sentir cette hargne. « Vas-y Victorien, ne lâche rien! » je me répète cette phrase et je me visualise arriver quelques mètres avant mon conccurent. Je nourris mon esprit de pensée positive et de satisfaction du travail accompli.

J’entre dans Bayeux conquérant, c’est un signe dans la ville où nous pouvons admirer la célèbre tapisserie de Bayeux qui retrace notamment le couronnement de Guillaume le conquérant. Mon euphorie ne durera que quelques minutes car, le samedi, c’est jour de marché à Bayeux! Je ne connais pas la ville et ma trace me fais passer par le centre à 11H30, je vous laisse imaginer le théâtre!
Je zigzague entre les voitures, les piétons jusqu’à une voiture qui décide de jouer avec moi… Je sers à gauche, elle aussi, j’essaie à droite, elle sert à droite, une nouvelle épreuve? Je prends ça de la sorte jusqu’au moment où un type sort la tête et me dit « Si tu veux faire du vélo tu n’as qu’à aller ailleurs! » J’inspire, j’analyse et je réponds doucement « pouvez-vous me laisser passer c’est une course d’endurance et l’arrivée est dans quelques mètres, je suis vraiment pressé. » Sa réponse fut vive « j’en ai rien à foutre moi! » Je comprends alors que la patience sera la version raisonnable. Je me rends compte alors des progrès que le développement personnel a pu faire sur moi car je peux vous jurer que quelques années en arrière j’aurais posé le vélo et je lui aurais fait comprendre que son insolence n’était pas permise. Je perds donc environ 5 minutes dans la grande rue de Bayeux. Je comprends que c’est peut-être la victoire qui se joue. En y réfléchissant, je sais que je ne suis pas venu pour gagner mais pour m’entrainer mais quand même, « merde! »

Je remonte à toute allure la rue du beau site de St Vigor le Grand et j’entre dans la salle, furieux! Je vois mon conçurent assis près de sa famille et je n’ai même pas la décence de le féliciter tellement je suis énervé. Il me faudra quelques minutes et les mots de Xavier, l’organisateur pour faire redescendre ma frustration.

En vous écrivant, je revis l’ensemble de ces moments et j’éprouve une grande satisfaction de vivre des moments comme ça. Ces montagnes russes d’émotions forgent mon caractère chaque fois un peu plus, je deviens plus fort, avec une meilleure connaissance de moi même et j’apprends à vivre mes émotions. Quel beau cadeau je me fais à moi même pour mes 29 ans. Je découvre ce qui me fait vibrer et il me reste de nombreuses et belles années pour encore et encore vivre des émotions comme celles-ci. Ces émotions constituent aujourd’hui ma cylindrée, j’ai besoin de vivre ça, d’avoir les larmes aux bords des yeux et de vous écrire une fois de plus me met en joie!

J’espere que mon plaisir de vous écrire sera communicatif et vous incitera à vous explorer. Car, au-delà de vieillir, je pense très sincèrement que grandir passe par une exploration de soi. On dit de l’ultra-endurance que c’est une introspection, je n’ai pas encore vécu cela mais je prends du plaisir à m’explorer.

Sportivement,

Victorien

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