L’expérience des chemins du Mont. – Partie 1 –
Après les 360 VTT de Domfront que nous devions faire ensemble, mon frère et moi, il fallait rebondir rapidement ensemble sur une échéance. En effet, William n’avait pas pu participer au UR 360 à cause d’un choc sur le genou quelques semaines avant le départ. Symbole de la Normandie, je souhaitais arriver encore une fois au Mont mais je ne savais pas d’où partir! Alors quoi de plus naturel que de partir de chez soi! Rouen, la cathédrale en symbole sera notre point de départ. Le défi était tracé car des chemins étaient cartographiés, nous avions juste à piquer les traces et en avant! Nous voulions mettre en place un projet caritatif mais le temps nous a manqué et nous avons pris le départ en guise d’expérience commune. William est un très bon VTTiste, endurant et technique sur des sorties allant jusqu’à 150 km. De mon côté, j’avais l’expérience de plusieurs longues courses en trail ou en vélo mais jamais d’ultra à deux. Nous nous découvrons par le sport même si nous nous connaissons déjà sous plusieurs facettes en tant que frères ou collaborateurs. Le sport est encore autre chose car les caractères s’affrontent et la fatigue met en exergue beaucoup de nos trais de caractères. Vendredi 03 novembre au matin, je sais que la journée va être longue mais j’en ai envie! Envie de m’exposer, d’affronter les éléments et mon esprit. L’entraînement n’est pas vraiment optimal car j’ai fait d’autres choix les semaines précédentes professionnellement parlant. William arrive à Rouen sur les coups de 9h00, il nous reste quelques courses à faire et finaliser les bagages pour Flavie qui est en voiture assistance pour une bonne partie de la balade! Sur le point de vue de la météo nous sommes chanceux car la température est douce et le soleil présent, nous savons aussi que cela annonce plus de froid pour la suite que si une couche nuageuse était présente. Mais, comme je dis souvent, on ne peut qu’« espérer » avec la météo car nous n’avons aucune maîtrise sur elle, ce n’est pas réciproque! Nous avons couru pour être prêts à l’heure mais nous étions à la cathédrale avant que les cloches ne sonnent!
12h02 : Morgane, Julien, Arnaud, Lucca et Franky sont venus pour le top départ. Nous voulions arriver un peu plus tôt pour échanger avec eux mais le temps passe vite quand on se prépare! GPS activé, gourdes pleines et moral au top! Nous quittons le parvis de la cathédrale direction les forêts de bords de Seine!
12h15 : enfin sortis de Rouen, nous sommes en forêt et nous apprivoisons le D+ des coteaux de Seine! Beaucoup de chemins sur les hauteurs ont été croqués par l’urbanisation alors nous nous perdons dans les ronces, rien de tel pour chatouiller les mollets!
13h00 les kilomètres avancent bien, nous sommes dans le tempo, Flavie sera au détour d’un chemin et c’est un réel plaisir de croiser son objectif pour se remémorer les souvenirs que je sens déjà mémorables. Les couleurs sont magnifiques et le soleil rend le spectacle magique. 14h00 nous voilà arrivé à La Bouille! Point remarquable de ce défi car c’est en bac que nous passons la Seine, atypique comme moyen de transport! La patate à la sortie nous remet tout de suite dans le bain pour entrer dans les belles forêts de Robert le Diable!
14h32 première pause pour s’alimenter et regonfler légèrement les pneus car le terrain est plus sec que prévu. Comme à notre habitude, nous prenons une préparation Energy Diet avant de repartir. Notre dernier repas était à 11h30 donc on est bien. Dans ce genre de défi, c’est agréable de déjà savoir qu’on n’a pas l’alimentation à gérer ou à craindre.
15h54 nous avons un peu d’avance sur le planning en arrivant a Montfort-sur-risle. Un petit point sur la mécanique, remplissage des gourdes et direction Pont-Audemer pour la dernière liaison de jour. Dès que nous passons à l’ombre, le froid est présent. Par anticipation, j’ai déjà mis mes jambières et William roule avec son coupe vent. Les températures chutent à une vitesse folle pour un mois de novembre, le bout des pieds commence à s’endolorir.
17h00 nous entrons dans Pont-Audemer, nous savons que Mélina, Benoît et les enfants seront avec Flavie pour une assistance minute! Merci à vous, associés ou amis, nous ne faisons plus de différence, quel bonheur! Ta petite soupe Thaï nous a fait un plus grand bien Benoît!
18h00 nous sommes « entre chien et loup » les frontales ne nous permettent pas vraiment de bien voir le terrain, la prudence est de mise d’autant plus qu’il y a beaucoup de silex dans ce coin! C’est une région que nous n’avons jamais fréquenté en VTT. Pour 90% du parcours, on est dans le même cas mais notre mauvaise vision renforce ce sentiment.
19h00 nous sommes à Bernay pour une pause un peu plus longue car il fait froid et nous avons besoin de nous changer. C’est toilette intégrale à la lingette! Il fait froid les fesses dehors mais rien ne vaut un cuissard sec après 7 heures de vélo! Flavie, une fois de plus, a trouvé le petit coin parfait pour se poser à la lumière d’un lampadaire. Je me mets quelques secondes à sa place et j’imagine qu’elle a très froid également. Pas simple de suivre des loustics comme nous dans des aventures plus ou moins bien organisées! Nous repartons calmement en nous enfonçant dans les bois à la sortie de Bernay.
20h00 nous passons Orbec, les chemins ne sont pas très agréables: grandes lignes droites et beaucoup de bosses à l’horizon! Ça forge le mental! Nous croisons de petits brouillards givrants. La veste imperméable est de mise! Les quelques « vrais » chemins ne sont pas très nombreux mais le plaisir de descendre à la frontale est un vrai bonheur. Pas d’arrêt sur Orbec. Nous filons vers Vimoutiers avec un petit stop entre les deux à Préaux Saint-Sébastien.
23H00 nous passons Vimoutiers, ce petit village est glacial. L’arrêt est plus long que prévu car nous cherchons à nous réchauffer avec des boissons chaudes mais c’est aussi un piège car la sueur ne fait pas de cadeau! C’est la que mon expérience devrait refaire surface mais je me laisse avoir et je le sens… Nous repartons au bout de 20 minutes environ en direction de Trun! Le terrain n’est pas trop escarpé mais il y a « patate » avec plein de gros cailloux et nous devons poser le pied à terre. Ce n’est pas pour arranger le tendon de William. La Faune normande commence également à se manifester: hérissons, blaireaux, chouettes, renards, lapins… C’est superbe car nous avons l’impression de faire partie de cet écosystème. Chose que nous ne ressentons pas la journée.
01h00 Trun nous voilà, petit village normand que je ne connais pas très bien. C’est dans notre département natal, l’Orne, mais nous sommes de l’autre bout! C’est la dernière pause avec Flavie, ensuite nous savons que Quentin, un ami, sera présent à Falaise. Nous prenons donc le temps de boire et de manger car Falaise est à 3H00 environ. Trente minutes de pause, nous augmentons le nombre de couches car c’est ça qui aide à conserver la chaleur mais c’est un piège qui va se refermer sur nous.
03h00 Falaise nous voilà, mais où est le château? Nous savons que Quentin est là bas. Nous devons comme à chaque ville changer de trace GPS. Ensuite nous passons le château et une frontale apparait au loin, je sais que c’est lui! A notre agréable surprise Morgan est aussi présent! Grand spécialiste des cookies, je vois sa boite « orange » et je sais ce qu’il y a à l’intérieur! Miam! Quentin a également de l’eau chaude et une petite tisane « la Marmotte », extra! Et en route mauvaise troupe!
04h40 le drame! Explosion de pneu arrière de mon vélo, c’est vraiment pas ce dont nous avions besoin… Nous avons déjà froid et là il y a du taff car nous n’avons pas de pneu de secours. J’enlève mes gants et au boulot! On mets une première chambre et là c’est le drame! Elle fuit et c’est mort, par fainéantise, nous craquons une bombe anti-crevaison et ça fuit encore et ça ne tient pas! On démonte à nouveau et on recommence! Il nous reste une chambre simple et c’est notre dernière chance! Last One! Nous mettons la dernière chambre en espérant que ça tienne avec toutes les épines présentes dans mon Tubless. On croise les doigts et cent coups de pompes plus tard le pneu est à bonne pression et tient le choc! On ne perd pas une minute pour faire les quelques kilomètres qui nous séparent de Pont d’Ouilly car Morgan et Quentin doivent s’impatienter eux aussi…
05h15 nous descendons le bourg et passons l’Orne. Ils sont là, pas une minute à perdre pour appeler l’assistance suivante, c’est notre Papa. Il doit être à Vassy et j’espère qu’il arrivera rapidement pour changer le pneu et repartir. Nous n’avons pas pu anticiper car il n’y avait pas de réseau au moment de la crevaison. Nous tentons de manger un bout, de nous réchauffer mais le froid s’installe sévèrement en nous. « Gelé jusqu’à l’os »! Je prépare ma jante pour l’arrivée de Papa. William se met au chaud dans la voiture de Quentin.
05H40 notre Papa se présente dans le bourg, on mange encore un bout, je change mon pneu et je vais voir William, il somnole et il est gelé comme moi. Je prends la décision d’aller dormir. Le froid est trop important et je ne dois pas prendre de risque pour un défi. Je ne pense à rien d’autre qu’à la sécurité.
Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends.
Nelson Mandela
Premier abandon, je ne prends pas le temps d’y réfléchir, on met les vélos sur le porte vélo de la Polo et direction le lit! 235 km et 13H30 de roulage sur ces chemins du Mont pour cette première tentative.
J’ai toujours imaginé que l’abandon serait douloureux mais même pas! On échange avec nos proches de nos choix, ils nous réconfortent forcément et le désir de finir se réveille. Et mon esprit se met déjà en marche et celui de William aussi!
Vous nous suivez pour la deuxième partie?